Ebola : un an après

Missions internationales
Intervention
Le 14 janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonçait l’arrêt de “toutes les chaînes connues de transmission” du virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Le lendemain de l’annonce, un nouveau cas était malheureusement diagnostiqué en Sierra Leone. Un an après la mission B-Fast/B-LiFE en Guinée, revenons avec Michel Moors et Jean-Luc Gala sur cette intervention réussie.

« Cette mission a changé ma vie », s’enthousiasme Michel, agent volontaire à la Protection civile de Crisnée. « D’abord, parce que nous avons contribué au combat contre une terrible maladie. Notre savoir-faire a impressionné les autorités. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une grande aventure humaine. Avant d’être des techniciens, nous sommes des sauveteurs, donc l’humanisme et l’esprit d’équipe sont au cœur de notre travail

Pour Jean-Luc Gala, Médecin-Directeur du CTMA (Centre de Technologies Moléculaires Appliquées ,UCL), Colonel et chef de mission en Guinée, la contribution de la Protection civile au laboratoire B-LiFE a été un paramètre déterminant pour le succès de cette mission. « Au long des trois mois de mission à N’Zérékoré, ces experts ont assuré avec professionnalisme les aspects liés à la biosécurité du laboratoire et du périmètre dans lequel évoluait l’équipe belge. Ceci impliquait entre autre la prise en charge, l’évacuation et la destruction des déchets biologiques dangereux quotidiennement générés par le laboratoire ainsi que la décontamination du matériel et des équipements utilisés dans le cadre de cette mission à risque. Leur travail a permis à l’équipe de se concentrer sur les analyses de laboratoire et d’évoluer dans un milieu où le risque de contamination accidentelle par le virus Ebola était sous contrôle permanent. »

Pour réduire la mortalité liée au virus, découvert en 1976 par le docteur belge Peter Piot, de grands laboratoires élaborent vaccins et traitements expérimentaux prometteurs. L’équipe B-LiFE (Biological Light Fieldable Laboratory for Emergencies, CTMA) vient d’annoncer la publication dans deux prestigieuses revues américaines * de l’ensemble des résultats de l’étude sur l’efficacité thérapeutique de l’antiviral japonais favipiravir, étude à laquelle ils ont activement participé. Jean-Luc Gala : « Ce médicament a été testé sur des patients en Guinée. Le travail de l’équipe belge a donc été essentiel pour mener à bien cette étude clinique. Le Centre de Traitement Ebola de N’Zérékoré était en effet directement appuyé par notre labo. Notre travail consistait à analyser très rapidement les prélèvements sanguins ainsi que divers liquides biologiques (urine, lait maternel)  afin de détecter immédiatement la présence du virus chez les malades suspects et de permettre au CTE de leur administrer sans tarder le favipiravir. C’est ce travail original qui a contribué à générer les résultats de ces publications.» Une preuve supplémentaire de la qualité des équipes intervenues en Guinée qui poursuivent ici le travail déjà réalisé sur le terrain.

Depuis son apparition fin 2013, l’épidémie a fait plus de 11 300 morts, à plus de 99 % en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia. L’OMS qui met aujourd’hui en garde contre le « risque permanent de nouvelles flambées en 2016 en raison de la persistance du virus parmi les survivants » veut éviter une résurgence de la maladie. La vigilance reste de mise. « Nous restons en contact avec nos collègues guinéens qui nous ont baptisé « Les chevaliers de la victoire » parce qu’on a vaincu Ebola à N’Zérékoré. Aucun nouveau cas n’a été détecté dans la région depuis notre départ. »

Les conseils de Michel aux membres des services de secours intéressés par l’international ? « Bien se former, parler avec sa famille, s’adapter aux différences et respecter les principes humanitaires (humanité, neutralité, impartialité et indépendance opérationnelle) ». Quand on lui demande s’il est prêt à repartir, sa réponse fuse: « oui, et je pense que tous les agents de la PC qui ont participé à cette mission vous donneront la même».

*Experimental treatment of with favipiravir for Ebola virus disease (the JIKI Trial): A historically-controlled, single arm proof-of-concept trial in Guinea. PLOS MEDICINE
*A 6-year old child with severe Ebola virus disease: laboratory-guided clinical care and treatment with an experimental therapy in an Ebola treatment center in Guinea. PLOS NEGLECTED TROPICAL DISEASE