Nous avons mobilisé tous nos moyens et fait de notre mieux

Civil protection
Event
La journée internationale de la Protection civile est l’occasion de mettre en avant le travail réalisé par la Protection civile. Nous avons rencontré Joëlle Brouillard, Commandante à l’unité de Crisnée depuis 1985. Elle revient sur les événements marquants de l’année écoulée, sur sa vision de la Protection civile à l’avenir et sur son envie de voir plus de femmes y postuler.
Joëlle Brouillard

 

Bonjour Joëlle, expliquez-nous en quoi consiste votre fonction ?

Je suis Commandante de la 3e compagnie à l'unité de Crisnée.  A ce titre, je gère les interventions, les formations, les congés , le planning, les problèmes du quotidien, je suis attentive à la sécurité et au bien-être au travail.  Je suis également chargée d’optimiser l’utilisation du matériel et d’évaluer le personnel.
 

Combien de personnes travaillent dans votre unité ?

Nous sommes 135 opérationnels et une centaine de volontaires.

Quels ont été les événements marquants en 2021 ?

Le début d'année a été plus calme par rapport à la pandémie.  Nous avons eu moins de décontamination de maisons de repos /de soins puisque les personnes étaient vaccinées.  Nous n’avons plus dû assumer tous les transports comme en 2020...  Et puis il y a eu la journée du 14 juillet et la nuit du 14 juillet.  Là, ça a été de nouveau un branle-bas de combat.  C'était d'autant plus difficile qu’on savait qu'il y avait des victimes.

J’étais de service du 14 au 15.  J'ai répondu à un grand nombre d’appels au secours de personnes qui se retrouvaient coincées ou qui ne savaient pas où se réfugier.  Les équipes étaient sur le terrain mais ne pouvaient malheureusement pas intervenir immédiatement car le courant était beaucoup trop fort.  Des routes étaient coupées, des ponts étaient arrachés.  On devait trouver des solutions pour aller d'un coin à l'autre ça a été très difficile pour l’ensemble du personnel.  Tous les moyens étaient engagés mais le courant était vraiment trop important et certaines zones étaient très difficiles d’accès.  On a quand même fait des sauvetages, mais certaines personnes ont tout de même dû passer de 24h à 48 h sur le toit d'une maison.

Notre équipe spécialisée en sauvetage lors d’inondations a été renforcée dès le matin du 14 par l’ équipe spécialisée de l’unité de Brasschaat, aidés par une équipe de la Protection civile luxembourgeoise.  Durant la nuit, le mécanisme d’aide européen a été activé et d’autres pays sont venus en renfort (Italie, France, Pays-bas).

Outre la charge de travail, il doit y avoir une forte pression psychologique ?

Dans ce cas (inondations), on n’est pas forcément formés pour assumer cette charge psychologique, il est très rare que nous recevions les appels directs des impliqués.  En principe ceux-ci vont vers les 112 ou 1722.  Lorsqu‘on a de l’expérience, on peut relativiser.  Mais pour les plus jeunes, c'est parfois un peu plus difficile à assumer lorsqu’ils se retrouvent face à leurs propres limites.

De plus, la morgue se tenait dans les bâtiments de l’unité.

Nous travaillons en bonne et étroite collaboration avec la Cellule personnes disparues et le DVI (cellule d’identification des victimes) de la Police fédérale ; nous sommes donc souvent confrontés avec des « cas difficiles ».  Notre hiérarchie est maintenant sensibilisée aux problèmes de stress post-traumatique.

Etes-vous encore actif sur le terrain ?

Oui nous mettons encore à disposition des bénévoles du matériel de transport pour évacuer les déchets.

Pendant la phase aigüe et même après, le matériel de génie civil de Brasschaat restait à Crisnée Les équipes partaient à 8h00 du matin pour rentrer à 4h du matin.  C'est une énorme charge de travail.

Sans compter les déplacements de Brasschaat vers Crisnée et les déplacements des personnels pour rejoindre les seules 2 unités du royaume.

Comment peut-on expliquer que vous soyez peu connu du grand public ?

En tant que service de deuxième ligne, on arrive souvent après les pompiers, à leur demande ou celle de la police.  Les caméras, les photographes sont généralement déjà repartis.  Puis, on n'est pas du style à se mettre en avant.

Il y a peu de femmes qui travaillent à la Protection civile.  Que leur diriez-vous pour les inciter à postuler ?

Nous sommes peu nombreuses.  Nous sommes deux à Crisnée et il y en a une capitaine à Brasschaat.  Je ne comprends pas pourquoi elles ne postulent pas davantage.  C'est pourtant un job de terrain qui est passionnant.  Ça se passe dans la bonne humeur et il n’y a aucun problème avec le personnel masculin car les mentalités ont beaucoup changé.  Il ne faut vraiment pas avoir peur, c'est un travail qui convient aussi aux femmes.  Chacun peut trouver sa place dans une équipe.  Chaque chef d'équipe connaît bien son personnel et le fait travailler en fonction de ses compétences et de ses talents.

Les femmes peuvent très bien travailler en opérationnel même si elles n’ont pas la force d'un homme.

Pour conclure, quel est votre sentiment par apport à l’année qui s’est écoulée ?

Elle fût très difficile pour le personnel mais encore plus pour les sinistrés.  Tout le personnel a vraiment une pensée pour tous les sinistrés parce que, malheureusement, ils ne sont pas encore au bout de leurs peines.  Il faudra beaucoup de temps, certainement.  Si nous avions pu faire plus, nous l’aurions fait.  Ce qui est certain c’est que nous avons mobilisé tous nos moyens et fait de notre mieux.